Manuel Valls avait martelé son intention de faire démarrer le chantier à l’automne 2016. Son successeur à Matignon, Bernard Cazeneuve, s’est montré plus prudent, soucieux de ne pas mobiliser un gros contingent de forces de l’ordre pour une opération d’évacuation risquée, de surcroît à l’approche de l’élection présidentielle. Résultat : Emmanuel Macron hérite de la délicate responsabilité de sortir de ce statu quo.
En apparence, le nouveau locataire de l’Élysée a les coudées franches : la Commission européenne a classé sans suite la procédure d’infraction ouverte en 2014, et malgré les efforts des opposants qui tirent leurs dernières cartouches, la voie semble libre pour engager le chantier.
Une consultation de pure forme ?
Mais Emmanuel Macron n’a pas montré un enthousiasme débordant vis-à-vis du projet, durant la campagne. "Aujourd’hui, on ne lancerait pas un projet du type de Notre-Dame-des-Landes", a-t-il même estimé début février.
Il a toutefois calqué sa position sur celle de son prédécesseur à l’Élysée : "Il y a eu un vote [des électeurs de Loire-Atlantique en juin 2016, ndlr], mon souhait est de le respecter et de faire l'aéroport."
Avant d’indiquer, un peu plus tard, qu’il souhaitait éviter un "Sivens bis" et qu’il organiserait une médiation de "six mois avec une personnalité indépendante pour mettre les éléments de comparaison qui éclaireront [s]a décision finale".
Cette médiation s’appuiera sur l’instruction d’une "expertise éclairée" visant à "comparer les équilibres économiques et écologiques" de NDDL et de l’extension de l’aéroport actuel.
"Il faudrait vraiment que cette expertise mette au jour des éléments forts pour revenir sur l’issue de la consultation", a-t-il pris soin de préciser.
Le numéro 2 d’En Marche !, Richard Ferrand, rassure les partisans de NDDL en leur laissant entendre que la période de médiation ne servira qu’à cautionner le choix de réaliser l’aéroport : "C'est plus une question de méthode que de fond."
À l’inverse, le président de la commission du Développement durable de l’Assemblée, Jean-Paul Chanteguet (PS), estime que "c’est un projet qui ne verra pas le jour".
Relire notre entretien de Jean-Paul Chanteguet
Les opposants disposent encore de quelques cartouches judiciaires
Du côté des anti-NDDL, même si l’espoir est mince, on se réjouit de cette nouvelle phase de réexamen du projet. "À condition que ce soit fait dans la transparence et de manière contradictoire", souligne Françoise Verchère, coprésidente du Collectif d’élus doutant de la pertinence de l’aéroport (CEDPA).
Ce dernier ne désespère pas de voir aboutir, par ailleurs, les procédures judiciaires encore en cours, et en garde sous le coude :
"La Commission a certes mis fin à la procédure d’infraction, mais la CJUE pourrait nous donner raison. Nous n’avons pas encore pu la saisir, car tous les recours devant la justice française n’ont pas été épuisés", souligne Françoise Verchère. "Trois procédures devant le Conseil d’État sont toujours en cours", détaille-t-elle.
L’une d’elles vise l’annulation de la déclaration d’enquête publique (DUP), en s'appuyant sur le rapport du CGEDD de mars 2016 pour démontrer que l’extension de l’aéroport actuel n’a pas été suffisamment étudiée.
La DUP, signée en 2008, deviendra caduque le 9 février 2018. Mais le précédent gouvernement a lancé une procédure de saisine du Conseil d’État pour qu’elle soit prorogée.
Des "pro", mais aussi beaucoup d’« anti » dans le premier cercle d'Emmanuel Macron
Sur le plan des rapports de forces politiques, Françoise Verchère constate qu’il y a des "gens extrêmement divers" dans l’entourage du nouveau président. Les "pro" et les "anti" se côtoient en effet parmi les élus qui l’ont rallié.
Soutien de poids de l’aéroport au sein des gouvernements du précédent quinquennat, Jean-Marc Ayrault n'aura plus la même influence avec Emmanuel Macron à l'Élysée. À l’inverse de Ségolène Royal, très critique à l’égard du projet, et dont la proximité avec le nouveau président s’est affichée crescendo à l’approche du second tour.
Comme Richard Ferrand, Jean-Yves Le Drian, président de la Bretagne (troisième financeur public du projet après l'État et les Pays de la Loire), figure parmi les soutiens à NDDL qui pèsent dans l'entourage d'Emmanuel Macron.
Mais d’autres poids lourds proches du nouveau président pourraient tenter de le faire basculer dans l'autre camp : Matthieu Orphelin, ex-porte-parole de la fondation Nicolas-Hulot et ancien vice-président EELV des Pays de la Loire, figure parmi les personnalités "ministrables". Candidat aux législatives dans la première circonscription de Maine-et-Loire, Il fait partie des quatorze premières personnes investies par En Marche !, qu’il a rejoint en janvier.
François de Rugy, qui sollicite l’investiture d’En Marche ! pour les législatives sur la circonscription de Nantes-Orvault, rejette également le projet. Tout comme Daniel Cohn-Bendit et Corinne Lepage, qui ont rejoint Emmanuel Macron.
Lobbying : pas de précipitation chez les opposants
Le CEDPA ne compte pas sauter sur le nouveau gouvernement sitôt qu’il sera constitué :
À part Valérie Oppelt dans la deuxième circonscription (Nantes centre), personne n’a encore été investi par En Marche ! en Loire-Atlantique à l’heure où nous bouclons.
"On ne va pas s’exciter parce qu’il y a un nouveau président, nous ne sommes plus à huit jours près, explique Françoise Verchère. Nous avons envoyé notre travail sur la consultation de juin 2016 à Emmanuel Macron pendant l’entre-deux tours. Et nous enverrons un récapitulatif de notre argumentaire aux candidats aux législatives en Loire-Atlantique lorsqu’ils seront connus."