L’État s’est-il fait « avoir » lorsqu’il a confié les sociétés d’autoroutes au secteur privé, en 2005, puis lorsqu’il a prolongé les concessions ou augmenté les péages par la signature de plans d’investissement au cours de la décennie suivante (2010, 2015, 2017) ? A-t-il permis une situation de "surrentabilité" pour les actionnaires privés au détriment du financement des autres infrastructures ?
Ces questions, qui agitent régulièrement les institutions – Cour des comptes, régulateur, Conseil d’État, Autorité de la concurrence, Parlement…
Macron et le protocole secret
Un élément a contribué à rendre sulfureux le protocole d’accord signé en 2015 entre le gouvernement Valls et les concessionnaires : l’État s’est obstiné à le garder secret (un secret relatif toutefois, car la majorité du contenu du protocole figurait dans les avenants aux contrats de concession, publiés au JO en août 2015).
Réclamé par l’opposition, mais aussi par le Conseil d’État, le document a fini par être révélé dans la presse en 2019. Lors de son audition au Sénat le 24 juin, Élisabeth Borne a reconnu que cette opacité a pu « créer de la crispation ». « Je pense que c’est du côté du ministère de l’Économie qu’il y avait une réticence à [le] rendre public. »
Et donc du côté d’Emmanuel Macron, alors ministre de l’Économie. Lequel concède, dès avril 2015 sur RTL : « On a mal géré ces contrats ces dernières années […] On va être plus transparents. » Pourtant, lorsque le sénateur Hervé Maurey (UC) réclame au ministre, deux mois plus tard, la transmission du protocole, le même Macron affirme qu’« une partie de ces accords relève d’une clause de confidentialité demandée par les sociétés d’autoroutes ».
Lorsqu’on interrogeait ces mêmes sociétés, elles assuraient pourtant que la demande de confidentialité émanait de l’exécutif.