« L’approche actuelle des négociations est épuisée. En de nombreux points, les textes sont bloqués. »
À trois jours de la fin de la COP24, le constat de Michal Kurtyka, le 11 décembre en début de soirée, force la présidence polonaise à prendre les rênes des négociations. Les négociateurs avaient jusqu’à 17 heures pour tailler dans les textes et laisser aux ministres le minimum d’options à trancher (relire notre article). « Dépasser cette échéance ne vous aiderait pas. »
« Une nouvelle proposition de textes sera préparée en coopération avec nos experts » et présentée mercredi 12 décembre au matin. Ces textes laisseront « peu de sujets en suspens pour les ministres ». Le responsable polonais demande aux chefs de délégation d’avoir « une vue d’ensemble pour éviter les micro-sujets ».
« N’ajoutez pas de texte, enlevez-en. »
Segment de haut niveau
« Nous attendons une hausse de 2 à 4 % des émissions mondiales de CO2 cette année », selon Petteri Taalas, secrétaire général de l'Organisation météorologique mondiale, introduisant les prises de position ministérielles.
Selon son président, Hoesung Lee, tous les ministres successifs soutiennent le rapport du Giec sur les conséquences d’un réchauffement climatique de 1,5 °C, que « vous avez demandé », « dans un délai difficile ». Tous, sauf l’Arabie saoudite, prévue au programme et finalement absente. Avec les États-Unis, le Koweït et la Russie, elle fait partie du groupe de pays peu enclins à embrasser pleinement les conclusions de ce rapport.
La grand-messe ministérielle met en exergue le traditionnel clivage « nord-sud », qui sous-tend les négociations internationales sur le climat.
Pour le compte du groupe des 77 pays en développement et de la Chine, la ministre égyptienne de l’Environnement, Yassmin Abdelaziz, pointe les « tentatives de renégocier l’accord de Paris au prétexte de son entrée en vigueur ».
Porte-parole de l’Alliance des petites îles en développement, le ministre maldivien de l'Environnement, Hussain Rasheed Hassan, se dit « très inquiet de ce qui apparaît comme une action délibérée d'isoler les pertes et dommages dans les négociations ».
Ces dégâts irréversibles causés par le réchauffement planétaire, que les pays les plus vulnérables voudraient se faire compenser par les pays riches « font partie de notre réalité ».
L'accord de Paris, « un contrat social »
En quasi-clôture de session ministérielle, Brune Poirson donne son interprétation de l'accord de Paris. À ses yeux, ce « n'est pas qu'un traité international, mais un contrat social, notre bien commun le plus précieux, qui nous oblige vis-à-vis de la population ».
« La transition sera solidaire ou ne le sera pas. »
Avant de quitter Katowice pour rejoindre Paris, invoquant la motion de censure à laquelle fait face le gouvernement, laissant la France sans représentant ministériel pour achever les règles d’application de l’accord.
Autour des négociations
La crise des Gilets jaunes résulte d’« un problème de méthode que nous avons eu »
La France a eu « un problème de vision politique à dessiner », selon Brune Poirson, hier à Katowice, lors d’un échange dans le cadre du dialogue de Talanoa. « On me pose souvent des questions sur le contexte français. » La secrétaire d’État s’est dite « intimement convaincue » que la hausse de la taxe carbone « aurait pu fonctionner ». « D’ailleurs on n’a pas abandonné, mais on aurait pu aller encore plus loin, je pense, dans la hausse […] si nous avions aussi réussi à créer un vrai projet de société autour de la lutte contre le changement climatique. » Les politiques « parlent aux gens sans cesse de transition », a poursuivi la secrétaire d’État. « Nous n’arrivons pas à expliquer aux populations […] et à construire avec eux cette vision du monde de demain, et donc c’est difficile de les emmener. »
La position de l’UE « très faible » selon l’eurodéputé des Verts Bas Eickhout
« En se focalisant sur l’ambition pour le “rulebook”, le commissaire européen [Miguel Arias Cañete] essaie de détourner l’attention de la partie la plus importante de cette COP : des engagements concrets à fixer des objectifs climatiques plus stricts afin de limiter le réchauffement climatique à moins de 1,5 °C », écrit le candidat des Verts à la présidence de la Commission. Royaume-Uni, France et Allemagne sont davantage concernés par leur situation politique interne que par la COP, se plaint-il. Le négociateur allemand, Karsten Schmahl, émet des doutes sur la capacité de l’UE à atteindre les objectifs d’efficacité énergétique et d’énergies renouvelables pour 2030 : « Si nous les atteignons, et c’est un grand si, l’UE sera capable d’augmenter l’objectif 2030. »
Le monde toujours en passe de se réchauffer de plus de 3 °C
Les changements de cap dans les politiques nationales de lutte contre le changement climatique ne permettent pas de limiter le réchauffement sous ce seuil, selon une étude publiée le 11 décembre par Climate Action Tracker. Les progrès réalisés par certains pays (Costa Rica, Norvège) n’ont pas permis de compenser le recul d’autres pollueurs.