« Les répercussions du changement climatique sont pires que jamais. Cette réalité nous dit que nous devons faire beaucoup plus. »
Patricia Espinosa, secrétaire exécutive de la Convention cadre des Nations unies sur les changements climatiques, ouvre ainsi le 2 décembre à Katowice (Pologne), la 24e Conférence des parties de ce texte entré en vigueur en 1994.
Contexte Énergie sera à Katowice du 9 au 16 décembre ! Faites-nous part de votre actualité sur place en écrivant à redaction[.]energie[@]contexte[.]com
Première COP d'importance depuis celle du Bourget, en décembre 2015 (relire notre livre de bord, en accès libre), elle entre dans le vif du sujet ce lundi avec un « segment de haut niveau », temps d’échanges entre représentants gouvernementaux qui s'achèvera le 14 décembre.
Vents contraires
Malgré une déclaration du G20 favorable à l’action climatique et à la COP24, le contexte a bien changé depuis l'accord de Paris, adopté par la communauté internationale et entré en vigueur en un temps record et dont 184 pays, dont la Syrie ou le Nicaragua, sont désormais membres.
Les États-Unis et le Brésil sont dirigés, ou s’apprêtent à l’être, par une administration climatosceptique. Les émissions mondiales de CO2 sont reparties à la hausse en 2017, après trois années de stagnation. Le Giec a récemment rappelé qu’il restait quinze ans de budget carbone pour avoir une « chance » de ne pas emmener l'humanité au-delà d'un dangereux réchauffement de 1,5 °C.
La COP24 est elle-même accueillie dans la ville charbonnière de Katowice, au sud de la Pologne, dont le stand d’exposition est, littéralement, fait de charbon. Le pays hôte est régulièrement pointé du doigt pour être un frein à l'ambition climatique de l'Union européenne.
«On ne peut pas dire que les vents sont très porteurs », admet Michel Colombier, directeur scientifique de l’Institut du développement durable et des relations internationales, le 20 novembre. « Mais le rapport du Giec est un appel à l’action, pas à l’inaction. Il n'y a pas que la COP, mais deux années de processus, d’ici 2020, pour retrouver la dynamique de l’accord de Paris. »
Acceptabilité
Hasard du calendrier, l'ouverture de cette COP majeure coïncide avec les débordements quasi insurrectionnels du mouvement des Gilets jaunes, impulsé par la hausse de la fiscalité sur les carburants.
Il ne saurait mieux illustrer le risque politique associé à plus de taxes environnementales pour décarboner l'économie, et qui a fait annuler sa venue en Pologne à Édouard Philippe, accroissant le sentiment d'un faible portage politique de la France.
Le Premier ministre aurait dû se rendre à la COP24 le 3 décembre, accompagné de François de Rugy. Brune Poirson s'y rendra quelques jours, du 9 au 11 décembre, lors de la deuxième semaine de la COP. Pourtant nommé « champion du climat » en septembre, Emmanuel Macron ne se rendra pas en Pologne.
Le thème de la « solidarité et de la transition juste » sera justement promu par Michał Kurtyka, président de la COP24 et secrétaire d'État polonais à l'Environnement, par une « déclaration de Silésie », destinée à concilier climat et justice sociale.
Deux principaux enjeux
Deux enjeux principaux sont à l'agenda de la COP24 :
- terminer la négociation du programme de travail de l’accord de Paris, qui doit permettre de définir ses règles d'application, dites « rulebook ». En l’état, l'accord de Paris acte le principe d’un « bilan mondial » des efforts collectifs en 2023, avant une révision de l'ambition collective en 2025, si possible à la hausse ;
- achever le dialogue de Talanoa, processus lancé lors de la COP23 par les îles Fidji.
Rulebook
La finalisation de la « boîte à outils » de l’accord de Paris doit notamment permettre de préciser le contenu des engagements climatiques nationaux (NDC) et la manière dont ils sont mis en œuvre.
Or, l'actuel texte en projet consiste en 307 pages, « avec beaucoup de crochets et très peu de temps pour résumer ce document très long », selon une source diplomatique française. Ce, sans compter les neuf « addendums », un par chapitre de négociation.
Les neuf « addendums » sont recensés dans les onglets du site de la Ccnucc : délai de mise en œuvre, contenu des NDC sur l'atténuation, l'adaptation, communication sur les finances, mise en œuvre coopérative, reporting transparent, révision transparente, bilan mondial, conformité.
Leur contenu idéal est suggéré par le consortium « Project du progrès pour la transparence climatique » (Pact).
Le diable sera dans les détails. En matière de transparence, les pays en développement auront certes besoin de souplesse pour rendre compte régulièrement de leurs émissions. « Pour autant, on ne veut pas aboutir à un système “bifurqué” », dans lequel les grands pays émergents échapperaient à leurs obligations climatiques, poursuit cette source.
« La flexibilité ne doit pas être un prétexte à un manque de transparence », résume Lola Vallejo, directrice du programme climat de l’Iddri.
Coopération
Les mécanismes de coopération prévus par l’accord de Paris (art. 6), qui permettront d’échanger des quotas d’émissions entre deux pays, sont « un élément important de l’accord de Paris », illustre Yvon Slingenberg, de la Direction générale de l’Action climatique de la Commission européenne.
« Le plus important pour avoir une fondation solide pour ce genre de mécanisme, c’est l’intégrité environnementale. […] Cela se traduit en comptabilité […] pour que les comptes d’émissions soient bons, que l’on connaisse l’année de référence. […] Une fois accordés là-dessus, on peut réfléchir à une coopération efficace. »
Dialogue de Talanoa
Les parties doivent également boucler le dialogue de Talanoa, processus de discussions impulsé par les îles Fidji lors de la COP23, pour rehausser l’ambition climatique internationale de long terme. Il vise à impulser la publication de nouvelles NDC plus ambitieuses que les précédentes dès 2020, sans attendre 2025 comme prévu par l'accord de Paris.
Une dernière journée de tables rondes aura lieu le 11 décembre, et un document de synthèse préparé par les deux présidences – îles Fidji et Pologne – devait être présenté le lendemain.
L'option, purement symbolique, de dédier une section à ce document dans la décision finale de la COP pour enregistrer ce document, devrait être choisie.
« L'idée est de ne pas passer trop de temps à le négocier », selon une source diplomatique. « On craint que ce soit un peu contre-productif. »