Les propos d’Alain Juppé ont des accents "junckeriens". Oui, l’UE est dans une mauvaise passe, oui, le rêve européen est désenchanté, mais non, il ne faut pas baisser les bras.
Dans son discours, prononcé dans une salle d’un hôtel du quartier européen de Bruxelles, mercredi 24 février, le candidat à la primaire LR a coché toutes les cases des Européens historiques que représente le président de la Commission européenne, Jean-Claude Juncker.
Selon Alain Juppé, la relance de la construction communautaire repose sur trois priorités : la défense, Schengen et la croissance.
Ironie du sort, selon nos informations, ces trois thèmes, bien français, seront précisément au cœur de l'initiative que Paris pourrait lancer avec Berlin, après le référendum britannique sur l'UE, si la crise des réfugiés a baissé en intensité.
Accepter les gardes-frontières ou quitter Schengen
En matière de défense, Alain Juppé veut procéder par étapes. Pas question de réfléchir à une armée européenne. Il faut commencer par mettre en commun les industries et programmes de recherche pour ne plus être dépendants des États-Unis pour l’armement et le matériel. Un discours qui n’a rien de nouveau venant d’un Français, mais qui peine toujours à trouver un écho auprès des Européens.
Sur l'espace de libre circulation, dit Schengen, l’ancien Premier ministre a parlé de « faillite européenne » dans la gestion de la crise des réfugiés. Il souhaite ainsi le renforcement du contrôle des frontières extérieures de l’UE, l’harmonisation des politiques migratoires (avec l'instauration de quotas en France).
Des mesures similaires à celles portées par le président de la Commission européenne, Jean-Claude Juncker, lors de sa campagne pour accéder à la tête de l'exécutif en 2014. Un nouveau paquet législatif sur la gestion des frontières doit d'ailleurs être présenté au mois de mars par Bruxelles.
L’écroulement de Schengen correspondrait pour Alain Juppé à « une régression historique ». Si un pays refuse la création d’un corps de gardes-frontières européens capable d’agir sans autorisation des États, il devra quitter Schengen, estime-t-il.
Europe à plusieurs vitesses
Des propos qui rejoignent le motto de "l’Europe à plusieurs vitesses" ou "Europe différenciée" dans le vocable français, en vogue à Bruxelles depuis l’accord du 19 février entre l’UE et le Royaume-Uni.
Alain Juppé considère aujourd’hui que le cœur de l’intégration se déroule au sein de la zone euro.
Interrogé par Contexte, il s’est déclaré favorable à l’établissement d’un "Parlement de la zone euro", composé des élus des dix-neuf pays qui siègent déjà dans l’hémicycle de Strasbourg pour éviter les doublons. Cette assemblée serait compétente "sur toutes les grandes décisions" liées à la monnaie unique. Un concept qui fait son chemin, la réforme des traités en ce sens est prévue pour l'après présidentielle française…
Quant à l’idée avancée par certains d’un retour à une Union à six ou neuf États, pour plus d’efficacité, Alain Juppé n’y croit pas vraiment. Citant les Pays-Bas, il a rappelé que le scepticisme sur l’intégration européenne est aussi l’apanage des fondateurs.
Lamassoure, Daul, Schwab
Parmi les soutiens affichés aux côtés de l'ancien Premier ministre figuraient le chef de la délégation LR à Bruxelles et vétéran de la politique bruxelloise, Alain Lamassoure (ex-soutien de Nicolas Sarkozy en 2007), ainsi que le président du parti populaire européen, Joseph Daul. La députée du Nord Tokia Saïfi était aussi de la partie.
Andreas Schwab, l’influent eurodéputé allemand de la CDU a également assisté au discours d’Alain Juppé.