Cliquez ici pour voir l'agenda du samedi 5 décembre
Laurent Fabius n’a pas été entendu
La quatrième journée n’a pas donné lieu à l’accélération des négociations sur le projet d’accord à laquelle le président de la COP21 avait pourtant appelé la veille (Relire notre livre de bord - Jour 3).
Du déjà-vu. L’objectif de la journée était de réduire le plus possible le projet de texte de 50 pages, publié, le 3 décembre au matin, par les coprésidents du groupe ADP, chargés de préparer l’accord de Paris. Mais, dans leurs comptes rendus présentés devant les représentants de tous les pays hier soir, la plupart des diplomates “facilitateurs”, chargés de piloter les groupes de travail thématiques, ont à nouveau déploré le peu de progrès réalisés. De petites avancées ont cependant été enregistrées sur certains articles du futur accord, comme celui sur l’atténuation.
De la mauvaise foi ? Le groupe "G77+Chine", qui représente les pays en développement, a accusé ses partenaires d’avoir fait preuve de "mauvaise foi" dans la négociation sur le volet adaptation du futur régime climatique. Alors que les pays pauvres ont soumis des propositions de compromis, certains pays développés ont simplement suggéré d’effacer entièrement les parties consacrées à ce sujet, s'est indigné un diplomate bolivien.
"Les mots me manquent."
La mauvaise méthode ? Pour l’Union européenne, tous les pays ont fait preuve de flexibilité. Mais, elle estime qu’il faut changer de méthode de travail durant la dernière journée, qui reste avant la soumission d’un texte à Laurent Fabius, prévue samedi 5 à midi.
Nuit blanche en vue. “La journée de vendredi va être très, très, très longue”, a confié une négociatrice européenne à Contexte. Les diplomates travaillent tous ensemble, ce vendredi 4 décembre, sur deux nouveaux documents, qui leur ont été préparés durant la nuit par les coprésidents de l’ADP et les diplomates facilitateurs. Le premier résume les quelques progrès sur le texte fait par les négociateurs mêmes. Le deuxième contient des propositions de compromis élaborées par les diplomates facilitateurs.
Des bonnes nouvelles ? Si vous voulez… Le directeur du programme climat de l’Iddri Thomas Spencer a expliqué hier que les discussions entre États ont permis de faire converger les positions autour de l’idée que les besoins d’adaptation doivent être reconnus dans l’accord de Paris. Un objectif global d’adaptation a donc bel et bien une chance de figurer dans l’accord de Paris, estime cet expert, même si le G77 estime que cela ne va pas assez loin.
D’après lui, les discussions sur la transparence ont aussi avancé grâce à une proposition de l’Afrique du Sud et quelques autres pays. L’idée est d’aller vers un système unique, qui prévoit d’appliquer, à long terme, les mêmes règles à tous les États. À court terme, les pays en développement bénéficieraient de règles moins contraignantes.
Le G77 attaché aux principes de la convention. Ce n'est pas nouveau, mais l’ambassadrice sud-africaine Nozipho Mxakato-Diseko s'est sentie obligée de le rappeler, lors d’une conférence de presse hier après-midi.
"La responsabilité commune mais différenciée est inscrite dans la convention. Nous ne devrions pas être obligés de la renégocier ici", a-t-elle déclaré.
Pour son groupe, pas question d’inscrire dans l’accord de Paris que les pays développés, eux aussi, fournissent des financements après 2020. Elle a aussi souligné que l’aide qu’apportent les pays développés ne doit être soumise à aucune condition. "Il n’y pas de conditionnalités dans la convention", a insisté l’ambassadrice.
La prise de position de Nozipho Mxakato-Diseko sur l'objectif de long terme peut inquiéter ceux qui rêvent toujours d'un signal fort.
"Nulle part dans la convention, il y des mots comme décarbonation", a-t-elle déclaré.
Petit rappel : l'Union européenne parle, dans sa position de négociation adoptée en septembre, d'un objectif de "neutralité carbone" au cours de la "deuxième moitié du siècle".
Le paradoxe du jour
Le Sénat va se fournir en électricité 100% renouvelable. Consommant autour de 900 MWh par an, la Chambre haute du Parlement a fait cette annonce le 3 décembre. Elle s'inscrit dans la "continuité d’un engagement concret du Sénat en faveur du développement durable et de la réduction de sa consommation d’énergie", ainsi que d'un déluge de "com'" autour de la COP 21 qui tourne à l'ensevelissement pour qui a le malheur d'avoir une boîte mails.
Il faut signaler cette annonce pour le moins paradoxale. Cyrille Cormier, chargé de campagne Énergie et climat de Greenpeace, n’a d'ailleurs pas manqué de le noter sur Twitter.
#progrès Après avoir voulu tuer l'éolien lors de l'examen de loiTE, le Sénat reconnaît que l'avenir, c'est 100% #EnR https://t.co/m1uYSni6lG
— Cyrille Cormier ☼ (@cyrillecormier) 3 Décembre 2015
Le Sénat a en effet fortement tenté de freiner le développement de cette énergie renouvelable, en votant notamment un amendement de feu le sénateur-maire PS de Tours, Jean Germain, qui rendait presque impossible l'implantation d'éoliennes en France.
L'offre électrique 100% verte choisie par le Sénat a été prise à l'initiative de ses trois questeurs - Dominique Bailly (PS), Bernard Saugey (LR) et Jean-Léonce Dupont (UDI). Le 15 juillet, ces deux sénateurs avaient voté pour une version de la loi de transition énergétique rendant presque impossible l'émergence d'une France 100% renouvelable - en préconisant une réduction "à terme" de la part du nucléaire, assortie de conditions la rendant en fait peu crédible.
Pourquoi ce qui est bon pour le Sénat ne l’est-il pas pour la France ?
Le reste de l’actualité au Bourget
La ville de Paris promet de contribuer au Fonds vert à hauteur d'un million d'euros. L'annonce est faite à la veille du sommet mondial des élus locaux qu'elle accueille ce 4 décembre à l'Hôtel de ville.
Festival d’annonces :
- un appel pour le développement d’une voiture électrique “accessible à tous à moins de 7 000 euros” - on ne reviendra pas sur le bilan carbone de ce type de véhicule, fortement dépendant du mix électrique du pays concerné, ni du pourcentage de population mondiale, voire française, capable de s’offrir un véhicule “accessible à tous” à ce prix
- une déclaration de Paris sur la mobilité électrique et le changement climatique
- le soutien de la France à l’initiative “Mobilise your city” pour faciliter les projets de planification des transports dans 20 villes de pays en développement
- un plan national de “route à énergie positive” pour construire en cinq ans 1 000 kilomètres de routes à cellules photovoltaïques. Ces quatre initiatives ont été lancées par Ségolène Royal
- une alliance mondiale pour les bâtiments et la construction, d’une ampleur “sans précédent”, lancée par 18 pays et plus de 60 organisations afin de lutter contre le changement climatique
Question du jour : combien de ces annonces survivront-elles à la COP 21 ?
Les pays pauvres généralement plus affectés que les pays riches par les catastrophes climatiques. Un constat rappelé par l'ONG Germanwatch dans la onzième édition de son index des risques climatiques mondiaux. De 1995 à 2014, le Honduras, Myanmar et Haïti ont été les plus frappés par de telles catastrophes. En 2014, la Serbie, l'Afghanistan et la Bosnie-Herzégovine figurent dans ce triste trio de tête. À la 27e place du classement mondial 2014, la France est le premier pays européen à avoir été touché par ces risques climatiques.
De la data en veux-tu en voilà. L'Energy and climat intelligence unit, organisation britannique à but non lucratif, a lancé hier au Bourget une importante base de données mondiale sur l'énergie et le climat. De quoi permettre de confronter, encore plus aisément, les déclarations politiques aux faits chiffrés.
Le Fossile du jour attribué au Danemark. Le Réseau action climat a choisi ce pays européen pour son recul en matière d’ambitions climatiques. Le Danemark, "dans un passé pas si lointain, était une inspiration pour beaucoup" en matière d'action climatique. Le nouveau gouvernement libéral, au pouvoir depuis juillet 2015, a décidé de revoir à la baisse les ambitions climatiques du royaume, déplore l’ONG.
Chevron, EDF and BNP-Paribas écopent du prix Pinocchio 2015. Remis, lui, par les Amis de la Terre, il est décerné à ces entreprises pour leur obstruction à l’action climatique et aux dommages causés aux populations locales, selon l’ONG. EDF et BNP-Paribas sont deux sponsors de la COP 21.
Inquiétude des syndicats sur le volet social de l’accord de Paris. La Confédération syndicale internationale a “fait part de sa grande inquiétude” à Laurent Fabius de constater que l'inclusion dans l’accord de Paris “de la dimension sociale, pour une transition juste, respectant les droits de l'homme et favorisant l'emploi décent, n'est toujours pas assurée”. L’organisation déplore que “certains gouvernements” veuillent faire figurer cette question en préambule de l’accord, et non dans son volet contraignant.
Rock around the COP
“Bien plus que la taille, c’est la détermination des élus qui compte.” Le Sommet mondial des villes, le 4 décembre à l’Hôtel de ville de Paris, est l’occasion de mentionner ce communiqué de pré-COP de l’Association des maires de France en faveur du climat. De quoi d’autre l’association aurait-elle donc pu parler ?
Au Bourget, l'Agence des espaces verts d'Île-de-France à l'origine d'un beau jeu de mots. Sachez que Contexte jugera bon [mauvais] tout accord de Paris qui contiendra[it] [au moins] une [deux] contrepèterie[s].
Le plus grand site de rencontres de négociateurs. Il a été lancé hier, par les hackers d'Anonymous, qui ont mis en ligne les coordonnées de presque 1 145 officiels qui participent à la négociation au Bourget (l'article du Guardian). Contexte vous tiendra informé des plus belles rencontres, rendues possibles grâce à cette action, pensée pour protester contre les arrestations des "anti-COP21" (il y en a !) dimanche à Paris.
À ne pas rater le 5 décembre
- François Hollande clôture l’Action day de l’agenda des solutions (17h, salle La Loire au Bourget)
- Village mondial des alternatives à Montreuil (jusqu’au 6 décembre)
- L’innovation dans le secteur financier : construire la performance climatique dans l’investissement (9h15, OCDE, hall 3, salle 7)
- Les collectivités locales s'engagent pour le climat ! (11h15, ministère des Affaires étrangères, espaces Générations climat, salle 6)
- Pertes et dommages - qui devrait payer ? (Australian Climate Justice Programme, Fondation Heinrich Böll, 11h30, hall 4, salle 1)
- Le financement participatif, un moyen d'action des citoyens pour la transition écologique et énergétique (13h, Medde, espaces Générations climat, salle 1)
- Négociation interétatique et décisions supranationales : l'exemple européen (13h, Les jeunes européens, salle 9)
- Présentation du rapport 2015 sur les lacunes à l’adaptation (13h15, Ccnucc, espaces Génération climat, Hall 4, salle 1)
- Prix du carbone dans le monde : partager les leçons d’une décennie d’expérience en Europe (14h30, Banque mondiale, hall 2, Pavillon européen)
- Qu'est-ce que la finance climatique transformationnelle ? Leçons et défis présents et futurs pour le Fonds vert pour le climat (15h, WRI, espaces Générations climat)
- Coopération sino-française pour le suivi des émissions de GES et de polluants atmosphériques. (17h, Citepa, hall 2, pavillon français)
- Un avenir bas-carbone pour le secteur électrique américain (Center for Climate and Energy Solutions et Edison Electric Institute, 18h30, hall 4, salle 1)
- Le rôle des technologies danes les secteurs du pétrole et du gaz pour faire face aux défis du changement climatique (Qatar, OAPEC, 18h30, hall 4, salle 3)
- Tracer une voie bas-carbone dans le secteur énergétique américain (18h30, C2ES, hall 4, salle 1)
À ne pas rater le 4 décembre
- Toute la journée : sommet des élus locaux pour le climat à la Mairie de Paris
- Rapport sur l'état du financement climat dans les villes (ONU, 9h30, Hall 5, salle de presse 2)
- Point presse du ministre des Finances Michel Sapin (9h30, hall 2, salle de presse 1) avant l'ouverture de la matinée consacrée aux financements dans le cadre de l'agenda des solutions (10h30)
- Quels niveaux de prix du carbone sont nécessaires pour limiter le réchauffement à 2°C ? (We mean business, 10h15, Hall 2, salle de presse 1)
- Doit-on faire confiance aux politiques ? (11h, Le Monde, espaces Générations climat, auditorium)
- Simulation interactive de négociations sur le climat (11h, Climate Interactive, espaces Générations climat, salle 7)
- La sortie des carburants fossiles et l'accord de Paris (15h, Réseau action climat Europe, hall 4, salle 1)
- Forum Syndical Climat et Emplois : Le rôle des syndicats dans le développement des stratégies industrielles bas carbone en Europe (15h, Etuc, espaces Générations climat, auditorium)
- Quelles sont les perspectives de la coopération franco chinoise ? Une discussion de la société civile sur l'après Paris (15h15, Friends of Nature, espaces Générations climat, salle 8)
- Peut-on concevoir une saine politique climatique en ignorant la science ? (The Shift projet, 16h30, Galerie des solutions)
- La responsabilité des résultats basés sur la finance (16h45, Nature Code, hall 4, salle 1)
- Clubs climatiques : Coalitions des pays ambitieux à l'avant-garde pour combler le fossé des deux degrés (16h45, Germanwatch, espaces Générations climat, salle 10)
- Comment les politiques publiques peuvent-elles lutter contre les subventions aux énergies fossiles ? (17h, SEI, espaces Générations climat, salle 1)
- L'intégration du changement climatique par les institutions financières publiques et privées (17h15, AFD/I4CE, espaces Générations climat, salle 5)
- Ségolène Royal inaugure “Solutions COP21” (19h, Grand Palais, Paris)
[Agenda du 5 décembre mis à jour]
Retrouvez :
- notre livre de bord du premier jour de la COP
- celui du deuxième jour
- celui du troisième jour
Et notre dossier !