"Il ne devrait pas y avoir de vecteur lié à l’environnement [et à l’énergie] dans les 18 premiers mois" du quinquennat, assurait à Contexte un proche du désormais président juste avant son élection, l’ensemble des textes en la matière ayant moins de deux ans.
En octobre 2016, la directrice de l'énergie, Virginie Schwarz, estimait aussi qu'il y aurait "sûrement une loi sur l’énergie dans l’année qui suivra le changement du gouvernement", soit en 2018.
Le code minier pourrait constituer une exception. Alors candidat, Emmanuel Macron s'était engagé à maintenir l’interdiction d’exploration des hydrocarbures de schiste et ne délivrer "aucun nouveau permis d’exploration d’hydrocarbures". Un engagement qui pourrait devoir être encadré par la loi pour éviter les recours d'entreprises dont le permis arrive à son terme et qui voudraient le renouveler. Mais l'avenir de la proposition de loi de Jean-Paul Chanteguet sur le code minier, transmise au Sénat après son vote à l'Assemblée, dépend désormais de la Chambre haute du Parlement.
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Compteurs législatifs presque au vert
D'un point de vue législatif, le gouvernement sortant laisse au nouveau président presque tous les compteurs au vert. En matière de transition énergétique, 95 % des décrets prévus par la "loi du quinquennat" ont été publiés, se félicitait récemment le ministère de l’Environnement. À l’exception notable du décret sur l’obligation de rénovation énergétique des bâtiments tertiaires, prévu depuis sept ans.
Quant aux 19 ordonnances prévues par la LTECV, toutes ont été ratifiées ou sont "en bonne voie". Toutes ? Pas celle sur la régulation du stockage de gaz. Une décision devra là aussi être prise rapidement pour éviter de mettre à nouveau à l’épreuve la sécurité d’approvisionnement, l’hiver prochain.
Se posera forcément la question de la transposition du copieux paquet d’hiver au cours du quinquennat. A lui seul, il pourrait nécessiter un texte législatif de belle ampleur, accompagné sans doute a minima d’un inévitable toilettage des dispositions existantes.
Cette loi pourrait alors être l'occasion d'intégrer de futures décisions en matière de nucléaire. Le futur gouvernement d'Emmanuel Macron devra également lancer la révision de la programmation pluriannuelle de l'énergie (PPE) et de la stratégie nationale bas carbone (SNBC), qui doit être achevée d’ici 2019. L’orientation que prendra la première dépendant de l’avis de l’ASN, les consultations devraient démarrer quelques mois avant, soit mi-2018. Au passage, plusieurs des comités de concertation environnementale existants pourraient voir leur organisation remaniée, pressent un marcheur bien chaussé.
Lire notre article "Nucléaire, l'heure des choix"
Le budget 2018, premières lois énergétiques
La loi de finances 2018 devrait être le premier texte législatif du mandat d’Emmanuel Macron à fort contenu énergétique.
Au menu : hausse annoncée de la contribution climat énergie sur cinq ans, de la TGAP sur l’incinération, transformation du crédit d'impôt transition énergétique (CITE) en prime pour inciter à la rénovation énergétique du logement, budgétisation du plan d’investissement de 50 milliards d’euros, dont 15 doivent être alloués à la transition énergétique et écologique, poursuite de l'alignement de la fiscalité du diesel sur celle de l'essence…
Candidat, Emmanuel Macron s’est aussi engagé à doubler le financement du fonds chaleur, maintes fois annoncé, jamais concrétisé lors du quinquennat qui s'achève. Et y aura-t-il de nouvelles mesures pour les énergo-intensifs ?
Le soutien de l’État aux gros consommateurs d’électricité a doublé lorsque le Président était ministre de l’Économie (Relire notre article).
Mouvements réglementaires
Plusieurs textes réglementaires devraient aussi être adoptés à court terme. Ainsi, la prime exceptionnelle de 1 000 euros à la casse des véhicules fabriqués avant 2001 pour acheter un véhicule plus "propre" neuf ou d’occasion pourrait, elle, être matérialisée par un décret d’avance dès l’été 2017. Les enjeux : donner un signal en matière de lutte contre la pollution de l’air en faisant un geste de redistribution de la fiscalité énergétique sans geler le marché des véhicules d’occasion en attendant la fin de l’année.
Autre disposition non réglementaire : le lancement rapide, avec l’Agence nationale de l'habitat (Anah), des audits gratuits de rénovation énergétique pour les ménages précaires. Les dépenses qu’occasionnera cette mesure devraient par la suite être régularisées en loi de finances.
Le président est particulièrement attendu sur ses objectifs en matière de rénovation thermique, d'autant que le bilan des ambitieux objectifs du quinquennat Hollande est mitigé. Autre chantier de taille pour la filière du bâtiment, et plus généralement les filières électrique et gazière : l’achèvement de la réglementation environnementale du bâtiment, qui doit prendre en compte les émissions de gaz à effet de serre dès 2018. Un timing ambitieux, alors que son label d’expérimentation, dit "E+C- », est lancé depuis moins d'un an.
Plus globalement, Emmanuel Macron a été peu disert sur l’efficacité énergétique ou sur le doublement des objectifs d’économies d’énergie du dispositif des certificats d'économies d'énergie, qui vient d’être décrété, auquel s’opposent presque tous les obligés.
Quid des renouvelables ?
À court terme également, le "Grenelle de l’alimentation" que promet Emmanuel Macron dès cet été, sur le modèle du Grenelle de l’environnement lancé il y a dix ans par Nicolas Sarkozy, pour procéder à une refonte du système agro-alimentaire français, pourrait comporter quelques mesures en matière d’énergie, par exemple sur la méthanisation et la sortie du statut de déchet du digestat, afin de faciliter la valorisation par les agriculteurs de ce sous-produit.
En matière d'énergies renouvelables, la visibilité des différents appels d’offres sur cinq ans à laquelle s’est engagé Emmanuel Macron pourrait nécessiter de republier un calendrier actualisé dès le début de son mandat. Le calendrier actuel ne court "que" jusqu’à 2019.
Son ministre de l’Énergie devra également parachever la réforme du soutien à ces énergies, nécessitant notamment de publier l’arrêté tarifaire pour les parcs éoliens de moins de six machines attendu par la profession, permettant de lancer les premiers appels d’offres sur trois ans, ou encore de l'arrêté permettant aux installations de production d’électricité bénéficiant du tarif d’achat de basculer sous le dispositif du complément de rémunération, afin de lancer le marché de l'agrégation. Sans oublier les enchères de garanties d'origine renouvelable.
Décentralisation énergétique
Emmanuel Macron ne devrait pas enrayer l’impulsion donnée lors du quinquennat qui s’achève, notamment avec la loi Notre. Le calendrier des différents schémas de planification régionaux ou intercommunaux est connu : élaboration des schémas régionaux d’aménagement et de développement du territoire (Sraddet) avant le 28 juillet 2019 ; réalisation des plans climat air énergie territorial (PCAET) fin 2018 pour les intercommunalités de 20 000 à 50 000 habitants ; tolérance pour celles de plus de 50 000 habitants n’ayant pas tenu l’échéance du 31 décembre 2016.
Les contrats de plan État-région 2015-2020 devraient, eux, être restructurés après 2020 en "contrats de territoire" afin d’inclure des mesures plus ciblées en matière d’énergie et d'environnement, en fonction des ressources et besoins à un échelon plus local. Se pose la question du devenir et du financement, dans l’intervalle, des quelque 500 territoires à énergie positive pour la croissance verte (TEPCV), qui devraient a minima changer de nom.
Plus largement, l’inconnue demeure sur la vision d’Emmanuel Macron en matière de décentralisation énergétique, thème absent du programme du président, et sur les orientations qu’il entend donner en matière d’autoconsommation, de réseaux – sans parler par exemple du devenir du recours du ministère de l’Environnement contre le Turpe 5.