C’est un cabinet abasourdi qui, le 7 juillet au matin, a assisté à la passation entre son ministre Didier Guillaume et le successeur désigné par Jean Castex, Julien Denormandie. « Personne ne s’y attendait, avoue à Contexte une source en interne à l’issue de l’évènement. La nouvelle est tombée lundi matin, sans signe avant-coureur. Ça a été violent pour nous. »
L’équipe imaginait « au pire, un changement de portefeuille ». Pas un coup de balai. Ce proche collaborateur de Didier Guillaume rappelle :
« Le ministre avait intégré une nouvelle conseillère il y a moins d’un mois. Il ne l’aurait pas fait s’il n’avait pas été sûr de rester dans le gouvernement. »
Le chat n'est plus là
En revanche, côté administration, l’ambiance est nettement plus détendue : cinq sources affirment que ce départ est accueilli avec soulagement, car les services étaient épuisés par la méthode Guillaume, qualifiée par certains de « brutale ».
Des gens qui n’en « pouvaient plus » tant ils se sentaient « martyrisés par le ministre comme par sa directrice de cabinet, Béatrice Frécenon ». Un fin connaisseur des mouvements politiques commente :
« Malmener ses services, ça se paye cher une fois le ministre sur la sellette. Le cabinet s’envole. L’administration, elle, reste. »
Et elle a de la mémoire. Parmi les services, un sexagénaire lance : « Je ne sais plus combien de ministres j’ai vu passer pendant ma carrière. Mais je constate qu’aucun n’a laissé pire image que Didier Guillaume. » Quant à sa directrice de cabinet : « Elle s’est fait détester de tout le monde », lance une source proche des conseillers. Au-delà des dossiers techniques et politiques, Julien Denormandie et, surtout, son nouveau cabinet, ont donc un troisième challenge à mener : celui de rassurer des troupes affaiblies.
De l’eau dans le gaz
Les effets collatéraux de ce management à la dure n’ont d’ailleurs pas épargné le cabinet lui-même : le 31 mai, son chef, Guillaume Macher, laissait son poste. « Il est parti avec pertes et fracas », soufflait à Contexte une source parlementaire quelques jours plus tard. Une seconde source, habituée du quotidien des conseillers, évoque un ras-le-bol des méthodes de la directrice de cabinet.
Une troisième, proche de Macher, confirme alors, catégorique : « C’est infernal, car elle veut tout faire. Tout passe par elle. Et Didier Guillaume a une telle confiance en elle que ça n’arrange rien. » Un monopole dangereux, car selon cette source, qui dans sa carrière a fréquenté plusieurs cabinets, la clé du succès, c’est une organisation suffisamment ouverte pour que chacun des membres puisse construire une relation avec son ministre. Elle insiste :
« Un directeur de cabinet, ça gère l’intérim. Il n’est pas censé être en permanence le nez dans l’agenda du ministre. Sinon, à quoi ça sert d’avoir un chef de cabinet ? »
Une quatrième source, qui n’est plus au ministère, rappelle que dès le départ, en mars dernier, la nomination de cette collaboratrice de longue date de Didier Guillaume, avait fait parler : « Elle n’a pas du tout le profil habituel d’un directeur de cabinet, et d’ailleurs, dans les autres ministères, son arrivée a été très incomprise. »
Comme des lapins dans les phares d’une voiture
Pour les membres du cabinet, la douche du remaniement est d’autant plus froide que des bruits insistants sur l’avenir du ministre circulaient depuis l’épisode des municipales à Biarritz. Plusieurs sources, chez les professionnels du secteur comme en interne au ministère, en étaient convaincues : « Didier Guillaume restera ministre. C’est son deal pour l’abandon de sa candidature », avaient-elles remonté à Contexte au fil de l’attente du remaniement.
Un membre du cabinet sous une précédente mandature constate, éberlué, que « beaucoup n’ont pas préparé leur sortie. » Un autre, du même profil, reste bouche bée face à la crédulité des membres du cabinet. Comment, dans un gouvernement, peut-on s’imaginer être irremplaçable ? Même couvert par un prétendu deal ? Il rappelle :
« C’est de la politique, quand un domino s’écroule, c’est tout le jeu qui tombe avec. »